Le marché

Charlie

J'arrivais après avoir longuement marché et allais à ma place habituelle pour m'y asseoir par terre. Je sortis mes dessins de ma besace et les disposa autour de moi. Et, comme d'habitude, j'attendais. J'avais horreur d'inciter les gens à venir voir mes dessins pour les acheter.

Robespierre

Je passais au marché. J'étais en retard à une réunion mais je sentais que j'allais m'ennuyer et j'éprouvais un grand plaisir à flâner dans les étals.

Charlie

Je resta silencieuse. Je regardais les passants en évitant de les dévisager pour autant. Les marchands ont une certaine réputation ici, et les rumeurs se propagent vite.

Robespierre

Je traversais le marché par la voie la plus empruntée. Autour de moi, les marchands et les clients s'interpellaient, criant pour vendre leur produit mieux qu'un autre.

Charlie

Je finis par éviter le regard des passants. Je leur souriais quand je voyais une paire de bottes s'arrêter devant mes dessins pour les regarder, mais malheureusement, aucun ne partait avec l'un d'eux.

Robespierre

Soudain, l'étal devant lequel je passais me semblait... silencieux. Comme si on avait brusquement coupé le son des bonimenteurs. Je levais les yeux et reconnut Charlie, une jeune peintre que je croisais parfois. J'approchais de son étal. Ces dessins étaient toujours aussi beaux.

Charlie

Je voyais une nouvelle paire de chaussure plutôt jolies s'arrêter devant mes dessins. Je leva les yeux vers un homme dont la veste et le chemisier ne m'était pas inconnu, bien que je ne connaisse pas son nom, à lui aussi. Mais je lui souris, comme aux autres, pour le remercier de ce court moment d'attention qu'il porte à mes dessins, bien que la suite me paraisse semblable aux précédentes.

Robespierre

Je souris. Les dessins étaient tous superbes mais un en particulier attira mon œil. Un magnifique croquis des bords de la Seine. Je fouillais un instant dans ma poche et en sortit ma bourse.

- Combien en voulez-vous, mademoiselle ?

Charlie

Je regarda ce passant comme si c'était le Messie. Je me repris vite, en me souvenant des rumeurs.

-Je...20 livres monsieur, m'efforçais-je de dire avec un minimum d'assurance.

Robespierre

Elle me regardait comme si j'étais son sauveur.

- Seulement ? Moi, je trouve qu'il faut plutôt... Un louis d'or, dis-je en posant la pièce sur la table.

Charlie

Je contempla un moment la pièce face à moi puis releva la tête pour regarder ce passant. Je devais me reprendre.

-Je n'en demande pas tant monsieur, je vous le promets...

Je pris la pièce pour la lui tendre.

Robespierre

- J'insiste. Votre travail mérite récompense.

Je repoussai sa main en souriant. Elle méritait cet argent. Pas question de repartir sans lui donner.

Charlie

Je n'avais jamais vu quelqu'un insistant autant à me donner tant d'argent pour un de mes dessins. Mais bien que cet homme soit bien habillé, je craignais de le ruiner.

-Alors prenez un autre dessin avec... Je vous l'offre !

Je me repris rapidement.
E-Enfin... Si vous en voudriez bien d'un autre chez vous... Mais j'insiste !

/Je vais vite manger

Robespierre

Je regardais les autres dessins et en choisissait un, certes moins beau que l'autre mais magnifique aussi.

- Si tel est votre désir, charmante demoiselle...

Les deux dessins dans les mains, je lui montrais mon choix.

- Cela vous satisfait-il ? Ou voulez-vous que je vous prenne une autre de vos œuvres ? Pour le même prix bien entendu.

Charlie

Je manqua de rougir à son appellation. Charmante demoiselle. C'est une première pour moi.

-Je ne voudrais pas vous obliger. Et encore moins vous ruiner monsieur.

Je me décida à accepter le louis d'or. Je savais que ça ne valait pas, mais je me devrais de le lui redevoir une prochaine fois.

Robespierre

- Vous ne me ruinez pas. Ce n'est jamais de la ruine que d'acheter des œuvres d'art comme les votres.

Je voyais sa main se refermer sur la pièce. Elle se décidait à accepter. Pas trop tôt. Beaucoup de personnes auraient sauté sur l'occasion.

Charlie

-Vos compliments me vont droit au cœur monsieur...

Je rangea le louis d'or dans ma poche précieusement. Je me sentais redevable envers cet homme, et je ne rejeta pas l'idée. Il n'avait sûrement pas idée à quel point son compliment me rendait aussi heureuse, autant que si c'était le roi lui-même qui le disait.

Robespierre

- Ils sont justes. Maximilien Robespierre pour vous servir, mademoiselle.

Je la regardais en souriant. Elle semblait vraiment touchée des quelques mots que j'avais dit sur ses croquis. Pourtant ce n'était que vérité.

Charlie

La gentillesse de Robespierre allait le perdre un jour, je le sentais presque. Bianca et puis lui... Je n'avais jamais fait autant de bonnes rencontres en une seule journée. J'en aurais les larmes aux yeux si je n'étais pas exposée au regard des passants et de celui de Robespierre.

-Je vous remercie, Robespierre. Charlie Batz, dis-je d'une voix plus ou moins contrôlée.

Robespierre

- Je sais. Je vous ai croisée plusieurs fois chez Danton. Je pensais au début que vous étiez une des collègues de sa bonne amie Bianca, voyez-vous...

J'étais un peu gêné de lui avouer que j'avais au départ cru qu'elle était un de ces filles de joie.

Charlie

J'ai été plus surprise de savoir qu'il connaissait déjà mon nom plutôt qu'il me prenne pour une de ses filles dites légères. Je ne le prenais pas mal, il n'a sûrement pas été le seul à le penser une fois. J'essayais plutôt de remettre le doigt sur le visage de Danton qui me revint au bout d'un court moment.

-Ah oui, monsieur Danton... répondis-je en souriant. Je vois, oui.

Je lui souris.

Robespierre

Je ris. Elle ne le prenait pas mal. Ouf...

- Vous voyez. J'en suis heureux. Vous comprenez surement ma méprise quand vous vous souvenez du personnage...

Charlie

Je continua de lui sourire.

-Je vous avoue ne pas avoir pris le temps de discuter des heures avec Danton. Il m'a demandé un jour de passer le voir dès que j'aurais réalisé de nouveaux croquis. Il m'en achetait quelques-uns.

J'évitais de préciser que la réputation de Danton m'avait rendue un peu méfiante à chacune de mes premières venues chez lui, même si je ne pensais pas avoir à m'inquiéter énormément.

Robespierre

Je ris.

- Ne vous inquiétez pas ! Il est un peu étrange parfois mais vous n'avez rien à craindre de lui, c'est une crème.

Charlie

Je souris

-Je vais tâcher de le retenir dans ce cas.

Plus nous discutions, mieux je me sentais. Cela fait du bien de parler avec quelqu'un des fois, qu'on le connaisse ou non.